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Chronique d'une fin du monde

29 septembre 2008

Samedi 16 avril, 13h12

A quoi bon continuer à se battre ? A quoi bon continuer à avancer si notre seule issue est la mort, si notre seul espoir est de souffrir ?
Je regarde le corps de ce jeune homme, je le regarde et je n'arrive pas à analyser ce que je ressens. Je regarde ce garçon que j'ai assassiné et mes sentiments se confondent pour s'annihiler les uns les autres.
Mon Dieu, pourrez-vous nous pardonner à tous ce que nous avons fait ? Pourrez-vous encore accueillir ce que nous sommes devenus ?
Mes larmes coulent, emportant avec elles mes dernières illusions. Je me revois encore lorsque nous étions heureux, dégustant la vie à chaque instant. Je me vois même à travers le brouillard de mes larmes, je me vois à travers le regard que mes enfants portent sur moi, je me vois et je n'aime pas ce que je suis devenu.
L'adolescent est mort, comme je m'en suis douté dès que j'ai pu voir sa blessure. Une vie si jeune partie si vite, dont personne ne se souviendra parce qu'il n'a pas eu le temps de laisser son souvenir perdurer dans la mémoire d'une génération suivante, ou simplement dans le coeur d'une jeune fille amoureuse.
Je regarde mes mains. J'ai l'impression d'y voir toutes les atrocités du monde. Des mains d'homme, mais si inhumaines.
Maintenant, je suis fatigué de lutter.  Je veux me réveiller et m'apercevoir que tout cela n'était qu'un simple cauchemar, que mes enfants sont heureux, que tout va bien.
Un arbre qui tombe dans une forêt fait-il du bruit si personne n'est là pour écouter ? Cet enfant est mort, et je veux croire que le son de sa mort s'est répercutée sur la terre entière, et que le monde s'est arrêté, s'est arrêté et a pleuré sur cet adolescent que personne n'a entendu vivre. Je veux le croire.
Que mes enfants voient un autre jour.

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17 août 2008

Samedi 16 avril, 7h52

S'il est un principe de vie auquel je me suis toujours tenu, c'est de ne jamais me mêler des affaires des autres d'une manière personnelle. Je dois être un sacré abruti pour ne pas m'y être tenu cette nuit.
Vers 1h30, après m'être assuré que les enfants dormaient profondément, je me suis décidé à sortir de la cachette. Armé, je suis sorti de l'appartement avec une lampe torche et ai emprunté l'escalier de l'immeuble pour aller vérifier la provenance des bruits du 8ème étage. L'escalier était évidemment plongé dans le noir et plein de détritus. Arrivé au palier, j''ai écouté mais je n'ai perçu aucun bruit. J'ai éteint ma lampe et ouvert la porte. Tous les étages sont identiques, je n'ai pas eu de mal à m'orienter dans le noir vers l'appartement au-dessus du mien.
La porte était ouverte, ainsi que des fenêtre et cela me permit de me diriger dans cet appartement inconnu. J'avais l'impression que mon coeur, qui battait la chamade, faisait un bruit épouvantable et résonnait dans cet endroit vide. J'écoutais de tout mon être, mais ce sont mes yeux qui perçurent en premier la présence, une forme qui se découpait dans la pâleur de la fenêtre, une forme avec un fusil long dans la main gauche.
Ne sachant pas si l'individu avait perçu ma présence, je ne me suis pas posé de questions et ai tiré en premier. Il s'est écroulé, mais sur le coup, ce qui m'a le plus inquiété, cétait le bruit que mon arme à feu avait fait. J'ai espéré que cela ne rameuterait pas tout le quartier.
Puis, sont venus les cris.
D'abord les cris de l'homme, puisqu'au final, c'était bien un homme, suivis de cris féminins, ou plutôt enfantins. J'ai allumé ma lampe torche en prenant garde de ne pas la diriger vers la fenêtre pour ne pas dévoiler ma présence et ai vu un jeune homme, peut-être 17 ans, que j'avais blessé. Près de lui était penchée une fillette, d'environ 11 ans. Vu leur ressemblance, j'ai tout de suite vu le frère et la soeur. Et j'ai vu également leur détresse, leur peur.
J'ai mis une claque à la fille pour qu'elle arrête de brailler. Merde, il a fallu qu'ils viennent chez moi, dans mon immeuble. Finalement, je les ai emmenés dans mon appartement pour soigner la blessure du garçon. Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? Les laisser et courir le risque que leurs cris n'amènent des individus autrement plus dangereux qu'un gamin et sa petite soeur ?
J'ai soigné l'adolescent, je l'ai touché à l'épaule et il a perdu beaucoup de sang. J'ignore s'il se réveillera. Sa soeur le veille, mais je vois qu'elle a du mal à rester éveiller. Elle me surveille du coin de l'oeil, se demandant sil elle peut me faire confiance. Elle a raison de se poser ce genre de questions.
En plus de mes enfants, je dois maintenant endosser le rôle de docteur et de baby-sitter. J'avais vraiment pas besoin de çà.
Que mes enfants voient un autre jour.

16 août 2008

Vendredi 15 avril, 11h58

Il y a eu du bruit, ce matin, dans l'appartement au-dessus. Deux sortes de pas, à ce que j'ai pu déduire. J'ignore qui cela peut être, étant donné que le couple de petits vieux qui vivaient à l'étage supérieur sont disparus depuis longtemps. Cela a duré une dizaine de minutes. Peut-être des gens qui cherchaient de la nourriture, ou de l'eau. Si ils visitent tous les appartements, ils finiront immanquablement à arriver ici.
Nous nous sommes réfugiés dans la cachette. En fait de cachette, il s'agit d'une fausse cloison dans une chambre. En y regardant de près, on s'en aperçoit facilement, mais l'illusion est bonne pour quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il cherche.
Nous avons avons gardé un silence total dès que les pas se sont faits entendre. Je pense les intrus ne se sont pas aperçus de notre présence. De toute façon, j'ai mon arme, et je n'hésiterai pas à m'en servir si quelqu'un venait à pénétrer chez moi.
J'étais flic, patrouilleur dans la cité, d'où mon arme. Lorsque les premières émeutes ont commencé, nous avons été réquisitionnés, mais les débordements ont eu tôt fait de nous submerger. J'ai pas attendu de tomber comme beaucoup de mes collègues, je me suis barré. Je suis sûr que vous me comprendrez, j'allais pas risquer ma peau pour une cause perdue d'avance. La suite des évènements m'ont donné raison, puisque maintenant, il ne règne plus que le chaos. Oh, vous me direz que si j'avais pas déserté, comme d'autres flics soit dit en passant, l'ordre aurait pu durer plus longtemps, mais vous, où étiez-vous ? Certainement pas là pour canaliser toute cette violence, ou alors dans le camp d'en face, parce qu'après tout, en face, il n'y avait que des personnes paniquées, cherchant à sauver leur peau de n'importe quelle manière. N'allez donc pas me faire la morale.
Demain, il faudra que j'aille voir ce qu'il s'est passé à l'étage supérieur. Jusqu'à maintenant, je croyais l'immeuble vide, mais peut-être y a-t-il encore quelqu'un ? Je dois savoir si ce bruit peut représenter un danger pour nous. Il me faut en avoir le coeur net. Pour l'instant, nous resterons cachés toute la journée. Je ne prends aucun risque.
Que mes enfant voient un autre jour.

2 août 2008

Mercredi 13 avril, 22h27

Pour survivre dans ce monde de fous, il faut être sans pitié.
Et sans pitié, je l'ai été lorsque j'ai récupéré mes enfants.
Au tout début de la crise, j'avais rencontré l'un de mes anciens voisins fuyant la ville. Il m'a dit que mon ex était malade et qu'il s'inquiétait pour les enfants. Je me suis présenté chez mon ex-femme (nous sommes séparés depuis 3 ans) et ai fracassé la porte. J'ai trouvé mon ancienne épouse avec une fièvre de cheval, incapable de se lever du lit. Elle sentait la mort. J'ai pris quelques vêtements pour les enfants et l'ai laissée. Je n'avais ni le besoin, ni l'envie de la secourir. Je n'ai jamais dit que j'étais quelqu'un de bien. De toute façon, il est bien peu probable que quelqu'un lise ceci un jour, alors je n'en ai rien à foutre. Je n'ai aucun regret. Ma priorité, c'est Alicia et Killian, pas cette conne qui m'a pourri la vie.
Avant de quitter son appartement, je me suis penché vers elle, gisant presque nue sur le lit, elle m'a rendue mon regard à travers les brumes de la fièvre. Je n'ai ressenti que du dégoût. Je me suis persuadé de voir dans ses yeux de la gratitude d'être venu chercher les enfants. Peu d'au revoir, nous sommes partis très vite. Je suppose que maintenant, la femme que j'ai jadis aimé est en train de pourrir sur le lit que nous avons maintes fois partagés, dans l'appartement que nous avions acheté pour y vivre ensemble pour toujours entourés de nos enfants.
Bizarrement, je trouve çà presque ironique.
Que mes enfants voient un autre jour.

2 août 2008

Mercredi 13 avril, 13h17

Les enfants finissent de manger, je n'ai pas faim. De toute façon, il faut nous rationner, et je préfère jeûner pour leur en donner plus. Il ne faut surtout pas qu'ils faiblissent.
Hier, je suis allé au supermarché du coin. Il restait peu de choses en rayons, mais j'ai fini par dégoter quelques boîtes de conserve. Le supermarché ressemble à un champ de bataille, mais la guerre a eu lieu dans la rue : voitures brulées et fumantes, cadavres en décomposition, tout n'est que chaos. L'odeur est quasi insupportable. Je n'ai pas eu à faire usage de mon arme heureusement. J'ai pris toutes les précautions : une heure pour faire une centaine de mètres, il s'agissait d'y aller avec prudence.
J'ai établi un code pour Alicia, de façon à ce qu'elle sache que c'est moi qui arrive et ouvre la porte. Pendant mes absences, les enfants sont cachés dans l'appartement. Ils n'y sont pas très à l'aise, mais au moins, sont planqués un peu dans le cas où la porte serait fracturée.
Par chance, j'habite au 7ème étage, ce qui me permet de faire cuire les aliments sur le balcon sans crainte d'être vu de la rue, si ce n'est la fumée. Le gaz a été coupé depuis bien longtemps, et l'électricité a sauté la semaine dernière. Ne parlons pas des portables : même si la batterie n'était pas nase, le réseau est mort, tout comme est morte la loi, tout comme est morte la justice, tout comme est morte la démocratie.
Que mes enfants voient un autre jour.

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2 août 2008

1er jour, lundi 11 avril 2011

Je me nomme Patrick, j'ai 39 ans. Il est 5h00 du matin, je n'ai pas dormi de la nuit, mes enfants ont quand même réussi à s'endormir vers minuit. Je regarde par ma fenètre, la partie ouest de la ville est sous les flammes. Que Dieu nous pardonne ce que nous avons fait puisque la fin du monde est arrivée.
J'ai entrepris d'écrire pour laisser un témoignage pour que, peut-être, les générations futures, s'il y en a, pourront analyser et comprendre. Je ne prétends pas être le meilleur observateur, ni le meilleur narrateur, je suis juste un simple quidam qui tente de survivre dans cet enfer en tâchant de protéger ses enfants. Je n''ai même jamais écrit de journal intime dans ma jeunesse.
J'ai mal aux yeux à force de surveiller, mes mains tremblent. J'espère être capable de faire feu avec mon arme en cas de besoin. Il faudra que j'aille au ravitaillement aujourd'hui.
Mon fils, le cadet, a 6 ans. Il réclame sa mère. Elle doit être morte aujourd'hui, mais à quoi bon lui dire. Ma fille, de deux ans plus âgée, a compris semble-t-il, mais bon, chaque chose en son temps.
Que les choses soient claires dès maintenant, je ne suis pas un héros, ni quelqu'un de bien. J'ai ma part de ténèbres, et n'hésiterai pas à faire usage de la violence pour notre sécurité. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait lorsque j'ai récupéré Alicia et Killian, mais je vous raconterai çà un autre jour.
J'ignore s'il est nécessaire de relater les évènements qui ont conduit à ce désastre, les journaux ont suffisamment commenté les faits en long, en large et en travers, du moins tant que les journaux paraissaient. Aujourd'hui, ne règne plus que la barbarie et les côtés les plus sombres de l'homme. Je ne sais plus qui a dit, après la 1ère guerre mondiale : "L'homme n'a plus aujourd'hui aucune illusion sur la bête qui sommeille en lui". Ce qui est sûr, c'est que cette bête est beaucoup plus atroce et cruelle que ce que l'on pouvait imaginer.
J'entends Killian qui pleure. Je dois y aller.
Que mes enfants voient un autre jour.

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